Par Béatrice de Rochebouët
le 02/03/2016
INTERVIEW - De Bastia, le chanteur commente ses quarante-cinq ans de passion
pour la BD.
LE FIGARO. - Pourquoi cette vente?
RENAUD. -J'ai plus de 4000 albums. Je ne me sépare que d'une centaine, pour
beaucoup des doubles dont je conserve un exemplaire à l'état neuf. Un jour,
je donnerai tout à ma fille ou au Musée d'Angoulême. S'il est passionnant de
constituer une collection, à la recherche de la pièce rare, il est
désespérant de constater qu'une fois achetées et lues, mes BD s'accumulent,
prennent la poussière, se meurent doucement. J'ai un peu l'impression de
vivre entouré de cadavres…
«La collectionnite m'a pris, m'a rendu fou. J'allais régulièrement à
Bruxelles et rentrais à Paris le coffre plein de dizaines de cartons
bourrés. Accumuler les livres, c'est une façon de conjurer la mort en
imaginant qu'on aura sur nos vieux jours l'occasion de les lire…»
LE FIGARO. - Comment avez-vous commencé?
RENAUD. -J'ai d'abord acheté quelques albums «modernes» genre Floch, Manara, Walter
Minus, Denis Sire, etc. Puis j'ai découvert chez un libraire belge des
albums anciens, des Dupuis, Lombard, Casterman, Dargaud, et j'ai eu un
sérieux coup de blues à revoir des BD de mon enfance… J'ai alors commencé
une «collec» dont je pensais qu'elle se limiterait à une trentaine d'albums,
les cultes de ma jeunesse: Alix, Jerry Spring, Blake et Mortimer, Lucky
Luke, Buck Danny, Bob de Moor et, bien sûr, quelques Tintin et Spirou… Et
puis la collectionnite m'a pris, m'a rendu fou. Je suis devenu accro à toute
la BD belge. Avec un amour particulier pour Spirou, Rob-Vel d'abord, puis
Jijé et enfin Franquin. J'étais un néophyte, j'achetais tout et n'importe
quoi, dans n'importe quel état et à n'importe quel prix. En premières
éditions quand même. J'ai vu les prix grimper d'année en année (et mes
droits d'auteurs diminuer d'autant). J'allais régulièrement à Bruxelles et
rentrais à Paris le coffre plein de dizaines de cartons bourrés. Accumuler
les livres, c'est une façon de conjurer la mort en imaginant qu'on aura sur
nos vieux jours l'occasion de les lire…
LE
FIGARO. - Quel est votre personnage préféré?
RENAUD. -Gaston Lagaffe pour son côté bohème et flemmardos, prêt à tout mais bon à
rien. Et puis Enak, le compagnon d'Alix l'intrépide, jeune et bel esclave
qui me faisait rêver enfant par son côté timide et révolté à la fois. J'ai
une tendresse particulière pour les planches d'Hergé, de Jijé, de Le Rallic
et de Calvo et, pour citer les plus modernes, j'aime infiniment les planches
de Manara, d'Enki Bilal, de Walter Minus ou d'Yves Chaland. Mon rêve serait
de posséder une planche de Tintin, issue du Lotus bleu ou de Tintin au
Tibet.
LE FIGARO. - «Quick et Flupke. C'est la poésie de la rue, l'enfance et les “chaussettes à
clous”»
Quelles sont vos planches fétiches?
RENAUD. -La double planche du Sceptre que la veuve de Le Rallic me céda à l'époque
pour 100.000 francs. C'était là ma plus importante dépense, mais je ne
regrette rien puisque aujourd'hui elle en vaut pas loin de cinq fois plus.
Je ne la vends pas pour spéculer, ni pour l'appât du gain, mais pour aider
ma fille. J'adore aussi Quick et Flupke. C'est la poésie de la rue,
l'enfance et les «chaussettes à clous». J'y vois un peu du Robert Doisneau,
du Albert Lamorisse en bulles, des «petites canailles» sorties du feuilleton
de notre enfance.
LE FIGARO. - Quelle est votre plus belle anecdote?
RENAUD. -Une vente à Drouot où j'ai payé une fortune un album cartonné de Tif et
Tondu pendant qu'un «escroc» faisait monter les enchères systématiquement
après moi, accro devant cet album introuvable. Moi, je le voulais à
n'importe quel prix. C'est à ce prix-là que je l'ai eu.
Cet article est publié dans l'édition du Figaro du 03/03/2016.>>>
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coeurs, c'est possible comme dirait l'Autre !
http://www.artcurial.com/pdf/presse/2016/cp-bd-renaud.pdf