Renaud : Fillon laisse pas
béton !
S’il y a un mot dont je me méfie, que je
me garde d’utiliser en temps normal, c’est bien celui de « réaction-
naire ». Mais, à la définition qu’en livre le
dictionnaire, aux résolutions de l’intéressé aussi, je suis sûr que François
Fillon, unique ancien premier ministre de Sarkozy, simple collaborateur selon
ce dernier, l’est.
Fillon, à la traîne dans les sondages de
la préliminaire de droite, se voit offrir deux soutiens, l’un espéré mais quand
même, l’autre non, quoique déjà amorcé en avril dernier.
Sens Commun, émanation de la
Manif pour tous au sein du
parti Les Républicains, lui apporte son soutien.
Renaud
Séchan
aussi, qui a déclaré au Figaro que si Fillon remporte la primaire, il votera
pour lui : « Je ne voterai plus jamais socialiste. Je voulais voter
Hulot. C’est bête, ils l’ont menacé, il s’est retiré. Fillon, c’est un mec
bien, honnête, je voterais pour lui s’il gagnait la primaire. » Fillon, le
bien aimé de ceux qui veulent «retrouver nos racines chrétiennes » et
réduire en pièce le mariage gay que tout cul-béni doit tenir en sainte horreur,
que tout homme pieu doit empaler. Fillon qui – rien que l’idée est effrayante –
tient à réécrire l’Histoire dans les manuels scolaires pour correspondre à
l’idée que lui se fait de la France. François Fillon est un
contre-révolutionnaire catho-bourgeois qui n’envisage la France que par son
passé. « Être né sous le signe de l’hexagone /
C’est
pas ce qu’on fait de mieux en ce moment / Et le roi des cons, sur son trône /
Je parierai pas qu’il est allemand… » Pardon, j’ai des renvois.
A l’heure où les chanteurs, les artistes
en général, fuient comme la peste les hommes politiques (ni Hallyday ni Sardou
ne soutiendront quiconque en mai prochain, quant à
Barbelivien…)
et les campagnes électorales de tous poils, le
de-nouveau-chanteur-énervant
(il ne l’était plus forcément quand, tranquille et peinard, il distillait son
absinthe) va à contre courant et s’engage. Est-ce
bien cela la chanson engagée ?
Comme quand il embrasse un flic :
ce qui, dans l’incroyable émotion du 7 janvier 2015, dans cette empathie
généralisée, pouvait alors se comprendre, est difficile à chanter quand tant de
flics, en tenue ou non dans les manifs, tant de CRS, ont tabassé des jeunes
(lycéens, étudiants, chômeurs ou salariés) dans de récentes manifs, notamment
et surtout celles sur la Loi Travail, loi imposée de la façon que l’on
sait, sans aucun dialogue social si ce n’est l’invective et la matraque qui
Valls dru. « La France est un pays de flics / À tous les coins du rue
y’en a cent / Pour faire régner l’ordre public / Ils assassinent
impunément » chantait je ne sais plus trop qui il y a bien quarante et
un ans.
Il est toujours drôle quand on voit,
« matraqué » comme il est à la télé, le clip menteur de Renaud qui
nous chante sans rougir « J’fais plus les télés,
j’ai
même pas internet / Arrêté de parler aux radios, aux gazettes ». Plus
à la télé, pas dans les gazettes, sans blague ? Faites ce que je chante
mais pas ce que je dis ; faites ce que je dis mais pas ce que je chante.
Renaud est-il perdu ? Je le crois.
Dans un autre monde, décalé, irréel, définitivement à côté de la plaque. Comme
un pantin du showbiz, presque un zombie, manipulé par on ne sait quoi, on ne
sait qui. Paumé. Et riche.
Mais Renaud n’est qu’un homme, par
définition faillible. Et je garderai des tonnes de tendresse pour l’artiste que
j’ai aimé, qui désormais m’irrite et m’indiffère à la fois.
Ce qui me fait peur ce sont les hordes
de fans (rien que le mot fan me défrise, me fait horreur), ces jeunes
qui se font tabasser par des flics à la manif de l’après-midi et vont acclamer
le chanteur en scène le soir, ces moins jeunes qui ont à peine l’excuse de
l’amour, de l’émotion, qui eux-mêmes se renient autant que leur veau d’or, leur
idole en disques d’or.
C’est quoi donc, cette génération Renaud
?